Blog - Sébastien Mouchet

Énergie, croissance, et limites physiques

Publié le 8 février 2023, par Sébastien

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Il y a quelques temps, je suis tombé sur l'article de blog suivant, intitulé « Galactic-scale Energy » (en anglais) :

Il a été publié en juillet 2011 par Tom Murphy, un professeur de physique à l'Université de Californie à San Diego.

Il propose une « expérience de pensée » intéressante qui peut se résumer par la question suivante :

Que se passerait-il si la consommation d'énergie du l'humanité augmentait de 2.3 % par an sans s'arrêter ?

L'objectif du présent article est simplement de partager et résumer (en français) l'article original (que je vous encourage à lire en entier).

Une croissance exponentielle

Entre 1650 et 2000, la consommation d'énergie totale des États-Unis a augmenté de manière relativement régulière, avec un taux de croissance annuelle d'environ 2.9 %.

Cette valeur inclut toutes les formes d'énergie, comme le bois, la biomasse, les énergies fossiles, hydraulique, nucléaire, éolienne, solaire, …

2.9 % par an, ça ne paraît pas grand chose, mais c'est tout de même une augmentation exponentielle.

Production totale d'énergie aux États-Unis (échelle logarithmique)
Production totale d'énergie aux États-Unis (échelle logarithmique)

Le graphique ci-dessus forme une ligne droite, car il utilise une échelle logarithmique.

Le chiffre utilisé dans « l'expérience de pensée » est légèrement inférieur : 2.3 %, ce qui représente un doublement tous les 30 ans environ, et une augmentation d'un facteur 10 tous les 100 ans (plutôt pratique pour la démonstration).

Avec 100 % d'énergie solaire

Imaginons que l'humanité décide de compter exclusivement sur l'énergie solaire.

Consommation mondiale avec 2.3 % de croissance (échelle logarithmique)
Consommation mondiale avec 2.3 % de croissance (échelle logarithmique)

Au bout de seulement 275 ans, il faudrait avoir recouvert l'intégralité des terres émergées par des panneaux solaires ayant 20 % d'efficacité.
Ça demanderait une quantité phénoménale de matériaux, et où est-ce qu'on cultiverait notre nourriture ?

Les panneaux solaires n'auront jamais une efficacité de 100% (ça violerait les lois de la thermodynamique), mais même si on y arrivait, les terres émergées seraient recouvertes au bout de 345 ans.

En 400 ans, toute la surface de la planète serait utilisée (océans compris).

Au bout de 1350 ans, on consommerait toute la puissance générée par le Soleil.

Enfin, au bout de 2450 ans, on utiliserait l'intégralité de l'énergie lumineuse de toutes les étoiles de notre galaxie (et il y a plus de 100 milliards d'étoiles dans la Voie Lactée).

Avec de l'énergie nucléaire (fusion)

Au lieu d'utiliser l'énergie solaire, supposons qu'on ait recourt à la fusion nucléaire – qui est loin d'être prête aujourd'hui – ou n'importe quelle autre source d'énergie propre qui nous fournirait de la chaleur.

Même si la fusion nucléaire ne produit pas de gaz à effet de serre, le nombre et/ou la taille des centrales nécessaires à notre croissance deviendraient de plus en plus importants, et finiraient par augmenter la température à la surface de la Terre.

Température à la surface de la Terre avec 2.3 % de croissance – fusion nucléaire (échelle logarithmique)
Température à la surface de la Terre avec 2.3 % de croissance – fusion nucléaire (échelle logarithmique)

Au bout de 100 ans, la température n'aurait pas changé significativement.

Au bout de 200 ans, il y aurait une très légère augmentation.

Il ne faudrait pas beaucoup plus de 300 ans pour rendre la planète complètement inhabitable.

Si on arrivait quand même à continuer, la surface de la planète atteindrait 100 °C au bout de seulement 440 ans, et deviendrait plus chaude que la surface du Soleil en moins de 1000 ans.

Conclusion

Ce n'est bien sûr pas une prédiction du futur : les niveaux de croissance passés ont été causés en partie par une augmentation de la population, qui devrait passer par un maximum dans le courant du 21ème siècle, avant de décroître.

La leçon à retenir est qu'il est absurde de s'attendre à une croissance infinie de notre consommation énergétique, même à un taux – en apparence faible – de 2.3 %.